Cette cascade de sang en Antarctique cache un secret vieux de 1,5 million d’années

Au cœur de l’Antarctique se déroule un spectacle naturel fascinant : une cascade d’eau rouge sang s’écoule du glacier Taylor. Ce phénomène surnommé “Blood Falls” (Chutes de sang) a intrigué les scientifiques pendant plus d’un siècle, mais les chercheurs de l’Université d’Alaska ont finalement percé son mystère. Une étude publiée dans Frontiers in Astronomy and Space Sciences a révélé que des nanosphères riches en fer sont responsables de cette coloration spectaculaire.

Une curiosité glaciaire dans un environnement extrême

La cascade de sang se situe dans les Vallées Sèches de McMurdo, une région exceptionnelle de l’Antarctique qui, contrairement au reste du continent, n’est pas recouverte de glace. Cette zone désertique n’a pas connu de précipitations significatives depuis environ 2 millions d’années, ce qui lui vaut son appellation de “Vallées Sèches”. C’est dans ce paysage austère que le géographe Thomas Griffith Taylor a documenté pour la première fois ce phénomène en 1911, lors de l’expédition Terra Nova dirigée par Robert Scott.

L’eau rouge s’écoule du glacier Taylor (nommé en l’honneur du géographe) pour se déverser dans le lac Bonney, entièrement gelé. Cette curiosité naturelle est devenue l’une des attractions les plus connues de l’Antarctique, un continent pourtant déjà riche en merveilles.

Le paradoxe de l’eau liquide dans un environnement glacial

La première énigme qui a longtemps déconcerté les scientifiques concerne la fluidité de cette eau dans un environnement où les températures sont constamment négatives. Comment peut-elle rester liquide alors qu’elle devrait être complètement gelée ?

Des chercheurs de l’Université d’Alaska ont découvert un réseau d’eaux souterraines extrêmement salées sous le glacier. Cette salinité élevée abaisse considérablement le point de congélation de l’eau, lui permettant de rester liquide malgré le froid intense. De plus, lors du processus de congélation partielle, l’eau libère de la chaleur, ce qui contribue également à maintenir une partie du liquide à l’état non gelé.

Cette particularité fait du glacier Taylor le glacier le plus froid au monde à présenter un écoulement d’eau permanent, selon les chercheurs de l’Université d’Alaska.

L’origine de la coloration sanguine

Pendant des décennies, plusieurs hypothèses ont tenté d’expliquer la couleur rouge vif de cette cascade. Certains scientifiques l’attribuaient initialement à des algues rouges présentes dans le glacier fondant, tandis que d’autres évoquaient la présence de minéraux ferreux, mais en quantité insuffisante pour justifier une telle coloration.

La réponse définitive est venue en 2023, lorsque des chercheurs ont analysé des échantillons d’eau et de sol du site au microscope électronique. Ils ont identifié des nanosphères minuscules, d’un diamètre de quelques nanomètres seulement, contenant du fer, du calcium, de l’aluminium et du sodium. Ces structures microscopiques étaient passées inaperçues lors des examens précédents en raison de leurs dimensions extrêmement réduites.

Le mystère s’est alors éclairci : lorsque l’eau sous-glaciaire entre en contact avec l’air, le fer contenu dans ces nanosphères s’oxyde instantanément, produisant des oxydes et hydroxydes de fer à l’origine de cette teinte rouge sang. La présence d’autres éléments comme le chlore, le magnésium et le sodium contribue également à créer des nuances orangées et jaunâtres qui enrichissent cette coloration spectaculaire.

Un écosystème unique sous la glace

Au-delà de sa couleur fascinante, le site abrite un autre phénomène remarquable. Des chercheurs de l’Université Harvard ont découvert que le lac Bonney, entièrement gelé et extrêmement salin, héberge des micro-organismes qui survivent dans des conditions a priori incompatibles avec la vie.

Sans lumière solaire pour la photosynthèse et sans apport externe de nutriments, ces organismes ont développé une stratégie de survie inhabituelle. Ils tirent leur énergie de la décomposition des sulfates présents dans les sédiments du fond du lac. Le fer dissous dans l’eau joue un rôle catalyseur dans ce processus, permettant aux sulfates d’être recyclés continuellement et aux micro-organismes d’extraire l’oxygène nécessaire à leur métabolisme.

Cette adaptation extraordinaire rappelle celle des bactéries qui vivent près des sources hydrothermales des fonds marins, et offre aux scientifiques un aperçu fascinant sur les formes que pourrait prendre la vie dans des environnements extrêmes, y compris potentiellement sur d’autres planètes.

Une fenêtre sur la vie extraterrestre ?

Les Vallées Sèches de McMurdo, avec leur climat hostile et leur absence presque totale d’humidité, constituent l’un des analogues terrestres les plus proches des conditions que l’on pourrait trouver sur Mars. La découverte d’organismes capables de prospérer sous la glace antarctique, dans un environnement privé de lumière et extrêmement salin, alimente les réflexions des astrobiologistes.

Ce milieu unique pourrait servir de modèle pour comprendre comment la vie pourrait potentiellement exister sous la surface gelée d’autres corps célestes, comme Europe (lune de Jupiter) ou Encelade (lune de Saturne), où l’on soupçonne la présence d’océans sous-glaciaires.

Le mystère désormais résolu de la cascade de sang antarctique nous rappelle que notre planète recèle encore des phénomènes naturels extraordinaires, et que l’étude de ces environnements extrêmes peut nous aider à élargir notre compréhension des limites de la vie dans l’univers.

Alexis

Salut, c’est Alexis, rédacteur de Seek & Look. J’explore et décrypte l’actualité scientifique, les découvertes marquantes et les innovations qui façonnent notre avenir.

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