Un astrophysicien imagine un voyage vers un trou noir en seulement 70 ans

Et si nous pouvions envoyer une sonde au plus près d’un trou noir, là où l’espace et le temps se déforment jusqu’à l’extrême ? Un chercheur chinois a élaboré un plan audacieux : propulser une minuscule voile spatiale à des vitesses vertigineuses pour atteindre cet abîme cosmique en l’espace d’une vie humaine.

Pour tester les lois de la physique dans des conditions impossibles à reproduire sur Terre, l’astrophysicien Cosimo Bambi, de l’Université Fudan (Chine), propose une idée audacieuse : envoyer vers un trou noir proche un « nanocraft », une sonde miniature qui pourrait atteindre sa cible en 60 à 75 ans grâce à une propulsion par laser depuis la Terre.

Pourquoi s’approcher d’un trou noir

La relativité générale d’Einstein a été vérifiée à de nombreuses reprises, que ce soit dans notre Système solaire ou au-delà :

  • En 2015, les détecteurs LIGO et VIRGO ont capté pour la première fois des ondes gravitationnelles issues de la fusion de deux trous noirs.
  • En 2019, un signal provenant d’un trou noir nouvellement formé a été enregistré.
  • Des observations en rayons X et les images de l’horizon des événements confirment la théorie.

Mais l’environnement spatial et certaines simplifications dans les calculs limitent la précision des mesures. Pour lever toute ambiguïté, il faudrait observer directement un trou noir de très près.

Quelle cible choisir

Le trou noir le plus proche identifié, GAIA-BH1, se trouve à environ 1 560 années-lumière. Mais Bambi estime qu’un meilleur candidat serait un trou noir isolé et donc invisible, situé entre 20 et 25 années-lumière.

Ces objets dépourvus d’étoiles compagnes sont extrêmement difficiles à détecter :

  • Soit via un phénomène rare appelé microlentille gravitationnelle, qui déforme la lumière d’une étoile lointaine.
  • Soit grâce au faible rayonnement émis lors de l’absorption de gaz interstellaire.

Des instruments comme le télescope spatial James Webb ou l’observatoire ALMA pourraient repérer ce type de signal.

Le concept du « nanocraft »

Dans un article publié dans iScience, Bambi décrit une sonde d’un gramme équipée d’une voile laser de 10 m², intégrant des microcircuits.

  • Une installation laser au sol pourrait l’accélérer à un tiers de la vitesse de la lumière (0,33c).
  • Avec une puissance accrue, la vitesse pourrait atteindre 90 % de celle-ci (0,9c).

Plus la sonde est petite, plus il est facile de la propulser rapidement. L’idée s’inspire du projet Breakthrough Starshot, initialement prévu pour Alpha Centauri.

Coûts et délais

À l’horizon du milieu du XXIᵉ siècle, Bambi estime que le coût de l’infrastructure laser pourrait descendre à environ un milliard d’euros. Aujourd’hui, un tel système coûterait… près de mille milliards d’euros.

La durée de la mission dépendrait de la vitesse atteinte :

  • 0,33c : 60 à 75 ans pour arriver + 20 à 25 ans pour que les données reviennent sur Terre.
  • 0,9c : 40 à 45 ans au total.

Pour sécuriser la mission, Bambi envisage d’envoyer deux sondes identiques (solution coûteuse) ou un engin principal avec un module détachable :

  • L’un servirait de relais en passant à distance.
  • L’autre s’approcherait au plus près de l’horizon des événements.

Limites et scénario réaliste

Entrer en orbite autour d’un trou noir à ces vitesses est irréalisable avec nos technologies actuelles. La meilleure option serait un survol rapproché avec une fenêtre d’observation brève.
Un autre scénario : utiliser un effet de fronde gravitationnelle pour modifier la trajectoire. Mais ralentir suffisamment pour se mettre en orbite reste pratiquement impossible.

Objectifs scientifiques

Une telle mission pourrait permettre de :

  1. Vérifier la métrique de Kerr décrivant l’espace-temps autour d’un trou noir en rotation.
  2. Tester l’invariance des constantes fondamentales (comme la constante de structure fine α) en champ gravitationnel extrême.
  3. Confirmer l’existence de l’horizon des événements en envoyant une sonde directement dedans pour observer la disparition du signal.

Défis techniques

Trois grands obstacles se posent :

  • Fabriquer des voiles ultralégères et résistantes au puissant faisceau laser.
  • Naviguer sans repères visuels vers un objet invisible et transmettre des données sur des dizaines d’années-lumière.
  • Corriger la trajectoire de la sonde pour intercepter précisément le trou noir.

Avant toute chose, il faudrait localiser ce trou noir proche, ce qui pourrait prendre des années ou rester vain. Les technologies devraient aussi être testées dans des missions plus simples, comme vers Alpha Centauri.

Conclusion

Pour Bambi, les technologies nécessaires pourraient émerger dans quelques décennies. « Quand ce moment viendra, l’humanité aura une opportunité unique d’étudier les lois fondamentales de la nature dans leur forme la plus extrême — au cœur même d’un trou noir », conclut-il.

Alexis (Seek & Look)

Alexis, rédacteur de Seek & Look. J’explore et décrypte l’actualité scientifique, les découvertes marquantes et les innovations qui façonnent notre avenir.

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